mardi, septembre 20

Pet Shop Boys - Super (I)

Super est le deuxième album d'un triptyque conçu par les Pet Shop Boys en collaboration avec Stuart Price. En 2013, le premier opus, Electric, m'avait laissé un souvenir mitigé. Il sonnait bien mais me paraissait trop orienté dance-floor et manquant de substance dans l'écriture. J'avais même écrit à l'époque que j'appréhendais la sortie de l'album suivant si ces partis-pris devaient se confirmer.

Et bien, trois ans plus tard, nous y sommes. Super est arrivé et, attention spoiler!, je l'aime beaucoup. Neil, Chris et Stuart ont-ils comme par miracle évité tous les pièges que je prévoyais il y a trois ans ou bien est-ce moi qui ai changé et revu mes espérances à la baisse ? A vrai dire, je n'en sais trop rien pour l'instant. Je vous livre juste ma première impression à l'état brut et, comme un névrosé chronique se couchant pour la première fois sur le divan, j'ai le vague espoir que le travail d'analyse que je me prépare à effectuer pour cette chronique me permettra d'y voir plus clair.

Un élément doit me semble-t-il être posé d'emblée. Super et Electric partagent un même thème : la dance-music de la fin des années 80 et du début des années 90, la nostalgie d'une époque où l'expérience collective de la musique dans les rave parties (je précise 'parties' pour ne pas trop émoustiller les fanatiques du céleri qui arriveraient ici après un frénétique Googlage végétalien) unissait les clubbers dans un idéal d'hédonisme optimiste. Comme j'ai souvent eu l'occasion de le dire, je suis passé complètement à côté de ce mouvement, trop occupé à l'époque à écouter Dead Can Dance en arborant un faux air mystérieux. Thématiquement, ce disque ne me parle donc guère plus que le précédent.

Si j'aime cet album, cela doit donc être en dépit de son sujet et donc aussi essentiellement en dépit de ses textes. Alors pourquoi ? Serait-ce la production (la manière en particulier dont les beats sont traités, souvent sous-mixés, voire par moments totalement absents) ? Les mélodies ? L'humour et l'auto-dérision ? Ou bien à cause des deux ou trois chansons qui échappent à ce corset de nostalgie pour la musique du passé et se confrontent au monde actuel ?

Pour ceux qui voudraient se faire leur propre opinion (drôle d'idée vu que vous vous apprêtez à prendre connaissance de l'opinion définitive sur le sujet, mais bon, chacun fait ce qu'il veut), vous pouvez utiliser Youtube ou le lecteur Spotify ci-dessous.




1. Happiness (4m04s) - 7.5/10

Le chemin vers le bonheur est long mais je le suivrai jusqu'au bout. Tel est en substance le propos de ce morceau d'ouverture qui relève clairement de cette veine de chansons aux textes a priori ineptes mais que la musique vient corroborer et amplifier jusqu'à en faire une déclaration d'intention. Dans ce morceau, la musique mène effectivement au bonheur, ou en tout cas à une illusion de bonheur via la répétition des motifs ainsi qu'une production en crescendo qui complexifie les rythmes (voir notamment à 2m24s où derrière une bonne grosse basse dubstep, une note se répète selon un rythme difficilement compatible avec les canons habituels de la dance music) et rajoute couche sonore sur couche sonore jusqu'à obtenir un agréable sentiment de satiété, sans pour autant mener à l'indigestion de rythmes binaires. Par ailleurs, Neil y épelle le titre, un procédé d'écriture dont le groupe est depuis longtemps passé maître (Shopping, Minimal,....).

2. The Pop Kids (3m55s) - 7/10

Ce premier single exprime la substantifique moëlle de l'album, les paroles narrant à la première personne du pluriel les joies du clubbing au début des années 90. On peut y entendre les quatre plus mauvaises rimes de toute la carrière de Neil Tennant : 'I studied history, while you did biology. To you the human body didn't hold any mystery'. A chaque fois que je l'entends, j'ai les intestins qui se contractent, comme si l'opprobre que susciteront ces paroles ineptes chez tous les êtres munis de sensibilité artistique m'était personnellement destiné.

On y trouve aussi l'énième itération de ce qui est devenu un cliché de l'univers thématique des PSB : l'opposition rock-pop. 'We were so sophisticated, telling everyone we knew that rock was overrated', sauf qu'ici cette opposition rock-pop devient essentiellement une opposition rock-dance, un glissement que je ne peux que déplorer. Quitte à me répéter (une fois tous les trois ans, ça reste une fréquence de radotage très acceptable), la pop dans se version la plus pure n'est pas pour moi plus proche de la dance-music que du rock. Musiques rock et dance se retrouvent dans la manière qu'elles ont de s'adresser en premier lieu au corps, que ce soit par l'intermédiaire de la danse, du headbanging, du pogo ou du saut de cabri (toutes pratiques auxquelles je peux m'adonner avec plaisir). La pop au contraire est une musique qui s'adresse en premier lieu au cerveau et principalement aux zones du plaisir auditif immédiat. Un bon morceau pop ne se danse pas, il se chantonne, il reste dans l'oreille et s'incruste dans votre esprit pendant des jours (en ce sens, de nombreux morceaux rock et dance sont par ailleurs aussi des morceaux pop, mais c'est un autre débat). J'aurais donc préféré que le titre de ce single soit The Dance Kids, cela m'aurait semblé mieux coller au propos.

Cela étant dit, la chanson n'est pas sans qualités, avec notamment un troisième couplet en suspension, semi-parlé, qui représente une respiration bienvenue au milieu de ce qui est sans doute un des deux morceaux de l'album dont la production est la plus (sans doute volontairement) datée : chœurs wooh-ah tendance Ibiza-Before, riffs de piano euro-dance circa 94, clochettes rappelant Always on My Mind,....).

(la suite ici)

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